Rencontre de Marine Le Pen avec le Président Poutine, 2017,…

Jordan Bardella, Marine Le Pen, les girouettes

  • 10 JUIN, 2024

Rencontre de Marine Le Pen avec le Président Poutine, 2017

Je ne reviendras pas sur le score du Rassemblement National aux élections européennes de ce week-end.

Cependant, il est intéressant de dire que pendant des années Marine Le Pen a fait figure d’épouvantail et fut accusée d’être liée à la Russie.

Très longtemps, mes amis russes ou des gens que je rencontrais en Russie me disaient leurs espoirs dans Marine Le Pen, pour renouer de bonnes relations avec leur pays (et y croient encore parfois à ce jour).

J’exprimais en vain mes doutes, mais ces derniers mois Marine Le Pen et Jordan Bardella ont démontré qu’ils ne sont pas des amis de la Russie, et qu’ils sont bien un parti du système. Ce jeu des girouettes est visible depuis longtemps, et l’élection européenne a démontré que les manœuvres politiques et de pouvoir sont en réalité le seul objectif du RN. Accusé de ne pas vouloir le pouvoir, et de se satisfaire d’être un parti de l’opposition, le parti a joué de la langue de bois pendant des années. Si l’on peut condamner, ou désapprouver ce que fut le FN du temps de Jean-Marie Le Pen, une chose est certaine, il ne varia jamais dans sa ligne. Depuis lors, les maîtres mots sont le carriérisme, se complaire dans le giron lucratif de la poule aux œufs d’or du parlement européen, l’électoralisme et les manœuvres politiques plus ou moins subtiles.

Benoît Vitkine et les journalistes français qui voulaient enfoncer dans les têtes que la Russie était alliée à l’extrême-droite française. 

Début 2016, alors dans le Donbass depuis quelques mois, je fus contacté par un certain Olivier Lafaye, journaliste du Monde. Ce dernier, spécialiste de l’extrême-droite française me contacta pour demander mon aide afin de venir en RPD. Son objectif, disait-il, était de venir suivre la délégation française en approche à cette époque à Donetsk. Je l’assurais de mon soutien en lui disant qu’au sujet de l’extrême-droite, il aurait dans le Donbass beaucoup de possibilités d’entendre les victimes des bataillons de représailles bandéristes de l’Ukraine. Son idée, ayant appris que Gilbert Collard, célèbre avocat, et considéré comme liée à l’extrême-droite française, allait venir dans le Donbass, était bien sûr de montrer que les insurgés du Donbass était « des fachos » dans une sorte d’internationale où le monde russe était la base… Lorsque nous fûmes proche de la délégation, il m’indiqua qu’il ne pourrait venir mais que son collègue Benoît Vitkine le remplacerait… Je savais depuis longtemps que son idée n’était pas de venir pour traiter de bandérisme, du néonazisme et néo-fascisme sévissant en Ukraine et de là jusqu’en Occident. A cette annonce, où il me prit pour un lapin de six semaines, je répondis que je ne travaillais pas avec « le caniveau du journalisme français ». Il ne donna plus jamais de nouvelles ! Gilbert Collard ne vînt jamais dans le Donbass par ailleurs. Leur coup manqué, cela n’empêcha pas cette cohorte de journalistes de diffuser une propagande mensongère où la Russie et les républiques du Donbass étaient montrées comme un « repaire de nazis ».

Quand Marine Le Pen courrait à New York pour recevoir un prix américain. 

De longue date Marine Le Pen fut désignée comme une « Poutinienne », attaquée pour avoir bénéficié de deux prêts en Russie (11 millions d’euros au total, 2014), puis pour avoir été reçue par la Douma et le Président Vladimir Poutine au moment de l’élection présidentielle en France (2017). A cette date le spectre des prêts russes fut de nouveau évoqué, pour des raisons de savonnette politique comme l’on s’en doute bien. Cette histoire fut dès lors ressortie en boucle par tous les médias du système (Mediapart ici en 2022).

En 2022, les positions supposées pro-russes de Marine Le Pen provoquèrent l’ire des journalistes occidentaux. Des gros poissons montèrent au créneau pour dénoncer comme ici sur BFMTV « la position pro-russe de Le Pen en cas de victoire à la présidentielle ». Des centaines d’articles évoquèrent son soutien à Vladimir Poutine et elle fut auditionnée par la fameuse commission de l’Assemblée sur « ses traîtrises » et ses liens « avec l’ennemi » (24 mai 2023). A l’approche des enjeux de l’élection européenne, les attaques se multiplièrent au point que Gabriel Attal l’a dénonça en affirmant : « si vous aviez été élue en 2022, Madame Le Pen, on serait en train de fournir des armes à la Russie pour écraser les Ukrainiens », déclarait-il.

Tout le monde aura cependant oublié que Marine Le Pen avait couru à New York pour recevoir un prix du magazine Time aux USA, comme l’une des 100 femmes les plus influentes dans le monde (22 avril 2015) : « cette nomination a été l’occasion de passer quelques jours à New York, avant de se rendre à la soirée de gala accompagnée de son compagnon Louis Aliot. Vêtue d’une robe longue bleu nuit et d’une cape de velours noir, elle y a fait son arrivée remarquée sur tapis rouge » (Le Point).

Depuis longtemps déjà, Marine Le Pen court là où les occasions lucratives se présentent et son ignorance dans les affaires économiques et internationales est de notoriété publique. Pour le courage politique il faudra donc revenir, d’autant que l’occasion lui fut donnée de venir en Crimée avec des parlementaires français (juillet 2015). Dans cette visite se trouvaient seulement 6 députés des Républicains (l’un d’eux Thierry Mariani vînt aussi dans le Donbass insurgé en 2017), 1 député du Parti Radical et un sénateur de l’UDI.

Quelques temps avant, pour le défilé de la Victoire contre l’Allemagne nazie, toujours en Crimée (9 mai 2015), le chef de l’Union Populaire Républicaine, Français Asselineau, s’était rendu lui aussi dans la péninsule. L’absence des représentants du FN/RN s’était par contre toujours confirmée, et les visites de la chef du RN se limitèrent seulement à quémander de l’argent à des banques privées en Russie, ou à fouler d’autres tapis rouge… dans le Kremlin. New York, Moscou, Londres ou Paris… tant que la gamelle est pleine et les dividendes assurés, voilà sans doute l’essentiel.

Les girouettes du Rassemblement national. 

En réalité, comme je l’avais indiqué à mes amis et contact russes, Marine Le Pen et le Rassemblement national n’avaient jamais été des alliés de la Russie. En Côte d’Or, un cadre du RN, dont par charité je tairais le nom, était passé dans le parti d’Emmanuel Macron en 2017 avant l’élection présidentielle. Le carriériste sentait bien les opportunités énormes à venir. C’est qu’il existe réellement des passerelles entre les partis du pouvoir, où des oligarques et personnalités locales mènent en province la danse, bien loin du panier de crabes parisien.

L’opportunisme, Marine Le Pen le montra justement avant l’élection européenne d’hier, d’abord en attaquant : « la responsabilité du pouvoir après la mort d’Alexeï Navalny en prison » (18 février 2024). Après avoir exprimé des réserves quant à la livraison d’armes par la France à l’Ukraine, la présidente du RN s’était empressée il y a peu de temps de déclarer la nécessité justement d’en livrer : « Nous devons livrer des armes si elles servent à l’Ukraine d’arriver en position de force dans une négociation » (BFMTV, début juin 2024).

On se souvient également que Jordan Bardella fut l’inquisiteur public et chef de la Commission parlementaire de l’Assemblée Nationale chargée d’interroger des personnalités supposées « être des agents de la Russie » (il est lui-même parfois décrit comme défendant des positions américaines comme ici dans la Tribune).

Il déclarait après avoir applaudit le discours de Zelensky au Parlement européen : « le Président Vladimir Poutine mène une guerre contre l’Occident et qu’il y a entre la France et la Russie un guerre d’intérêts et d’influences qui s’étend jusqu’en Afrique », ou encore « qu’il faut lutter contre toutes les formes d’ingérences, à commencer par les ingérences russes » (Le Monde, 4 avril 2024).

De la même manière, les positions du RN sur l’Union européennela souveraineté et l’OTAN ou l’Euro furent abandonnées du discours politique du parti au fil des années. Une des raisons principales est justement cette inconsistance politique, mais aussi l’opportunisme et le carriérisme.

Le Parlement européen a été depuis longtemps pour des huiles du parti un refuge et une source rondelette de revenus… Au début de sa carrière elle déclarait pourtant « que l’UE était un projet technocratique, totalitaire et nuisible à nos libertés »… tout en restant députée européenne sans discontinuité de 2004 à 2017 !

Elle fut ; et c’est peu connue, sommée de rembourser une somme de 300 000 euros pour « avoir rémunéré des cadres du FN avec de l’argent public » (argent européen). Le parquet de Paris l’a mise dernièrement en examen pour des faits de corruption, détournement de fonds publics et de complicité (22 septembre 2023). Le procès se déroulera dans l’automne prochain. Elle risque de 5 à 10 ans de prison, et l’UE lui réclame désormais 617 000 euros de fonds détournés.

Avec la victoire du RN à l’élection européenne, la dissolution de l’Assemblée Nationale, la formation politique du RN a remporté une victoire historique et convaincue nombre d’électeurs. Ont-ils voté pour le RN et sa politique ? Ou contre Macron et le macronisme ?

Une chose est certaine Marine Le Pen est désormais enfermée dans un discours anti Russie, et devra certainement le tenir encore longtemps pour entrer dans un discours lissé et électoraliste de circonstances (en vue de l’élection législative à venir et présidentielle de 2027). Avec des gens de cette nature, peut-on croire vraiment changer quelque chose en France ? Les mains liées par la presse d’État et son influence, le moindre écart de politique européiste et atlantiste sera sanctionné avec un retour à la situation de l’opposition éternelle… mais dorée et lucrative ! Enfin, lorsque l’on est un parti du système depuis tant d’années, pourquoi vouloir le changer ?

About the author

Laurent Brayard – Лоран Браяр

Reporter de guerre, historien de formation, sur la ligne de front du Donbass depuis 2015, spécialiste de l’armée ukrainienne, du SBU et de leurs crimes de guerre. Auteur du livre Ukraine, le Royaume de la désinformation.

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A propos Romain de Courcelles

militant communiste courcellois a/conseiller communal PCB et UCPW
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