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Vers le 1er MAI 2024: toute son histoire !

Le XIXe siècle voit la naissance de la classe ouvrière.

La prolétarisation du travail se développe au fur et à mesure que le machinisme industriel vient remplacer les anciennes formes de production. Les employeurs sont les maîtres absolus des entreprises et les conditions de travail sont misérables. Les journées de travail comportent souvent 15 à 16 heures par jour sans repos hebdomadaire et encore moins annuel. Des enfants de 6 ans travaillent souvent dans les usines et les mines, des femmes sont employées au fond de la mine et à des travaux pénibles et insalubres. Les ouvriers n’ont pas le droit de s’organiser.

Le « droit de coalition » est seulement reconnu en 1824 en Grande-Bretagne, en 1864 en France (mais il faudra attendre 1884 pour le syndicalisme), en 1869 en Allemagne.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’à la première guerre mondiale, la population industrielle continue de croître constamment. Entre 1895 et 1914, le nombre d’ouvriers passe de 5 à 7 millions aux États-Unis, de 8 à 12.500.000 en Grande-Bretagne, de 3 à 4.500.000 en Russie. En France, la population ouvrière était en 1866 de 5.575.000 hommes et 3.385.000 femmes.

La révolte des « Canuts »:
Le 21 novembre 1831 a lieu la première révolte des « Canuts » de Lyon qui occupent la ville au cri de « Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant ! ». La monarchie française envoie 20.000 hommes de troupe et 150 canons pour réprimer « l’émeute ». C’est à cette époque que le ministre français Casimir Périer déclarait: « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a pas de remède pour eux que la patience et la résignation ! ».

Le 14 février 1834, nouvelle insurrection des « Canuts ». Ils occupent les hauteurs de Lyon et feront face pendant 6 jours à 12.000 soldats.

Le manifeste de Marx et Engels:
En 1840 d’importantes grèves corporatives se déroulent en France. Le 22 février 1848 manifestation monstre à Paris et chute de la monarchie. Mise en place d’un gouvernement provisoire avec des démocrates et quelques socialistes.

Le 23 juin 1848, insurrection des quartiers populaires de la capitale contre une seconde République dominée par la bourgeoisie. La répression sera terrible : des dizaines de milliers de travailleurs hommes, femmes, enfants, vieillards, massacrés, 25.000 arrestations, 15.000 déportés et emprisonnés.
Mais, 1848, c’est aussi l’année de la publication du « Manifeste communiste » de Karl Marx. En 1864, est créée la Première Internationale Ouvrière et dans les pays industriels, malgré des difficultés énormes, le syndicalisme commence à s’organiser.

La Commune: 
Le 19 mars 1871, à la suite de la guerre franco-allemande de 1870, une révolte populaire éclate à Paris. La Commune de Paris est créée. Elle sera écrasée quelques semaines plus tard par l’alliance des bourgeoisies française et allemande avec Thiers et Bismarck. 25.000 travailleurs parisiens seront massacrés par les forces de répression, les cadavres seront brûlés, 38.500 arrestations seront opérées, 13.700 seront condamnés à des peines allant jusqu’à 90 années de prison, 3.000 mourront dans les pontons, la prison, le bagne et l’exil.

Durant les années 1873-1895 les crises continuent à provoquer des grèves violentes. En 1873, en Angleterre et surtout en 1899 à Londres où les dockers arrêtent tout travail. En Allemagne, grèves et manifestations des travailleurs de la Ruhr. En France, où le sang coule à Decazeville en 1886. En 1886 également, en Belgique révoltes populaires et fusillades à Roux et publication du « Catéchisme du Peuple » d’Alfred Defuisseaux, etc… 

A partir de 1848, les dirigeants ouvriers axent leurs revendications sur la journée de 8 heures, comprise dans une perspective d’éducation ouvrière : 8 heures de travail, 8 heures de repos, 8 heures d’éducation. En 1886, le Congrès National du Travail, aux États-Unis, marque sa volonté d’obtenir ce résultat.

Le Congrès de CHICAGO (1884): 
Une loi de 1868, relative aux seuls travaux dirigés par l’État américain n’est pas appliquée. Aussi, en 1881, la Fédération américaine du Travail (A.F.L.) décide de passer à l’action. Le Congrès de Chicago de 1884 décide qu’à partir du 1er Mai (date du renouvellement des baux) de l’année 1886, ou bien les patrons accepteront la journée de 8 heures ou bien les ouvriers feront grève…

En 1886, plus de 5.000 grèves eurent lieu (avec un massacre sanglant de travailleurs à Chicago) et si le résultat ne fut pas obtenu partout aux États-Unis, du moins, la percée était-elle faite. C’est l’origine des Manifestations du Ier Mai.

En 1889, le Congrès socialiste international décide que dans tous les pays, représentés, on interrompra le travail le 1er Mai 1890. Première manifestation commune d’unité d’action internationale des travailleurs. En France, celle-ci se déroula dans un calme impressionnant et eut un effet immédiat : suppression du livret ouvrier, limitation à 10 heures de la journée de travail pour les femmes et les adolescentes, loi sur les accidents de travail, projet de loi sur les retraites ouvrières. 

La fusillade de FOURMIES: 
 Le 1er mai 1891, est marquée par la fusillade de Fourmies (Nord). La troupe fait feu sur un cortège pacifique de jeunes gens et de jeunes filles désarmés qui voulaient fêter le 1er Mai. Plus d’une douzaine de morts. De nombreux 1ers Mai seront marqués par des violences contre les travailleurs dans un certain nombre de pays du monde. 

En 1919, en France, la journée de 8 heures ayant été accordée par la loi du 23 avril 1919, le 1er Mai est l’objet de manifestations monstres dans le pays. A Paris, les manifestants se heurtent à la police et deux ouvriers sont tués.

Libérer les travailleurs:
Bien que le 1er Mai ait souvent perdu son caractère de grève, dans la mesure où ce jour est devenu un jour férié et payé, les organisations ouvrières ont toujours voulu lui maintenir son caractère de manifestation pour la libération des travailleurs.

Dans les pays socialistes, ce jour donne lieu à de gigantesques manifestations populaires et des parades de l’armée populaire. Toutefois, en Russie, le nouveau tsar Yeltsine, marionnette du capitalisme international et de l’Occident, a transformé officiellement la journée en « Fête du muguet ». Ce qui n’empêche évidemment pas les organisations ouvrières et communistes de poursuivre manifestations et mobilisations contre le nouveau régime.

« Il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes, les travailleurs mettent, le même jour, les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement la journée de travail à huit heures et d’ appliquer les autres résolutions du Congrès international de Paris. ».

« Attendu qu’ une semblable manifestation a déjà été décidée pour le 1er mai 1890 par l’ American Federation of Labor, dans son congrès de décembre 1988, tenu à Saint-Louis, cette date est adoptée pour la manifestation internationale ».

« Les travailleurs des diverses nations auront à accomplir cette manifestation dans les conditions qui leur sont imposées par la situation spéciale de leur pays. ».

C’ est en ces termes que, dans une résolution adoptée à l’ unanimité, le Congrès international ouvrier socialiste, réunissant 391 délégués et représentants de 22 pays, qui se tenait à Paris du 1 au 21 juillet 1889, décida d’ organiser les premières manifestations du 1er mai. Parmi toutes les revendications, c’ est celle de la journée de huit heures qui allait dynamiser l’ idée du 1er Mai en force matérielle. Ce que l’ on a appelé les « Trois Huit » – huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de sommeil – était une revendication essentielle du mouvement ouvrier de l’ époque. Cette exigence de la réduction du temps de travail est d’ ailleurs toujours inscrite parmi les revendications fondamentales des travailleurs qui aujourd’hui, veulent la semaine des 36 heures.

En fait depuis la révolution industrielle, le monde du travail connaît une exploitation éhontée. Des journées de 12, 14 et même 16 heures, voilà ce que la soif de profits des patrons impose toujours comme régime de travail. La situation est telle que dans certaines entreprises, les ouvriers sont obligés de dormir à côte de leurs machines, car ils n’ont même plus le temps de rentrer chez eux. Les femmes connaissent des journées aussi longues et aussi pénibles que leurs compagnons. Les enfants ne sont pas épargnés. Et l’ on en voit travailler dans la métallurgie, les verreries, les charbonnages, à cinq ou six ans. Dans un tel contexte, inutile de songer à l’instruction. Et les maladies professionnelles et autres sont monnaie courante.

Pourtant, il n’ en a pas toujours été ainsi. Au cours des XIVe et XVe siècles, la durée de travail en vigueur chez les artisans tisserands anglais est de huit heures. Dans l’ ensemble, le temps de travail des femmes, et des enfants est insignifiant. Et certains utopistes évoquent les journées de sept, six et même quatre heures de travail. Un diplomate français du XVIIe siècle, Denis Veiras d’ Ales, préconisait même dans son roman social « L’ histoire de Severambes », de fixer la journée des Trois Huit dans la Constitution.
Mais vint la révolution industrielle, la concentration capitaliste, et la volonté du patronat de pousser les travailleurs à oeuvrer jusqu’à l’ extrême limite de leurs forces. Dans ce but de profit maximum, femmes et enfants prirent le chemin des fabriques pour y gagner un salaire de misère.

Une longue bataille:
Très tôt, la bataille est engagée contre les capitalistes pour arracher une réduction du temps de travail. En 1825, les fileurs de Nottingham sont les premiers à déclencher une grève pour les huit heures. En France, la célèbre révolte des canuts de Lyon en 1831 marque la vraie naissance des luttes ouvrières dans ce pays. Et 1832 vit les charpentiers de Pecq prendre l’ offensive pour les Trois Huit. Dans le même temps, les industriels anglais se plaignent auprès de leur gouvernement: « Si on nous empêche de faire travailler les enfants de n’ importe quel âge dix heures par jour, nous cessons de fabriquer ». En 1841, en France, une loi fixe à huit ans l’ âge minimum d’ entrée au travail…

En cours de route, des objectifs politiques, tels que le suffrage universel par exemple, se mêlent aux revendications économiques, liant étroitement ces deux aspects de l’ émancipation ouvrière. Avec des succès importants. Ainsi, les premiers à obtenir la journée des huit heures de travail furent les maçons de Melbourne en Australie. C’ était le 21 avril 1856. Il ne suffisait pas de revendiquer pour obtenir. Les grèves, si elles étaient l’ arme revendicative par excellence, étaient le plus souvent ensanglantées par la répression des « forces de l’ordre » des classes possédantes.

La résistance individuelle était vouée à l’ échelle. Seul le regroupement des travailleurs pour la défense d’ un même objectif pouvait apporter des résultats. Ainsi se créent les premières associations de travailleurs. Ainsi voient le jour les premiers syndicats. Ainsi naissent les premiers partis ouvriers. Ainsi se constitue l’ Association internationale des travailleurs (1864-1872), éducatrice de la plupart des fondateurs du mouvement socialiste international. Et dont l’ une des idées maîtresses était la journée de huit heures de travail.

Pendus pour l’ exemple:
« A partir du 1er mai 1886, la journée normale de travail sera fixée à huit heures pour toutes les organisations ouvrières ». Dès 1884, cette revendication apparaît dans toute la propagande organisée par les syndicats groupés au sein de la Fédération américaine du travail. Le printemps 1886 fleurit dans une dure période de grèves: plus de 5.000 au total. Arrêts de travail en masse, manifestations imposantes, meetings monstres, dans tout le pays, marquent la volonté des travailleurs américains de voir se matérialiser les « 3 X 8 ».

A Chicago, ils sont 40.000 grévistes. Parce que le personnel a déclenché une grève en février, la direction de l’ entreprise agricole Mac Cormick, a décidé le licenciement général. Le 3 mai, les travailleurs manifestent devant l’ entreprise qui continue de tourner avec tous les vauriens, briseurs de grève et hommes de main que la direction a pu rassembler. La police est là, armée jusqu’ aux dents. Elle tire. Six morts et une cinquantaine de blessés. En signe de protestation, quinze mille travailleurs se rassemblent pacifiquement à Haymarket, la place du Marché au foin. La garde nationale charge sauvagement. Une bombe lancée on ne sait d’ où, éclate au milieu des policiers, en tuant sept et en blessant soixante. Les policiers ouvrent le feu, faisant de très nombreuses victimes, parmi les manifestants qui essayent de fuir.

La réaction profite de cet événement pour faire la chasse « aux meneurs révolutionnaires ». Albert Parsons, un militant qui avait échappé aux recherches vient se constituer prisonnier en pleine audience. Afin de « monter aussi, si c’ est nécessaire sur l’ échafaud, pour les droits du travail, la cause de la liberté, et l’ amélioration du sort des opprimés ». Des huit militants ouvriers arrêtés, trois auront la vie sauve grâce à la protestation populaire. Leur peine sera communée en détention perpétuelle. Un autre se suicidera en prison. Les quatre autres -Parsons, Engels, Fischer et Spies- sont pendus le 11 novembre 1887. Spies, au moment de mourir, aura cette phrase terrible et prophétique: « Salut temps où notre silence sera plus puissant que nos voix que l’ on étrangle dans la mort ». Les « martyrs de Chicago » entraient dans l’ Histoire où la classe ouvrière allait faire briller pour toujours leur souvenir, inséparable de ses « 1er mai ». Six ans plus tard, en 1893, ils seront réhabillités. Les lanceurs de la bombe, ce n’ était pas eux…

Internationaliser le 1er mai:
La même année 1886, les ouvriers wallons (Belgique) révoltés contre les misères atroces engendrées par le chômage expérimentent pour la première fois, spontanément, la pratique de la grève générale. Une action noyée dans le sang des fusillés de ROUX, de CARNIERES, de MONCEAU, de SERAING… La même années, le jeune Parti ouvrier belge faisait son entrée sur la scène politique.

Dès cette année 1886, l’ idée de reconstituer une internationale ouvrière et d’ internationaliser le 1er mai est dans l’ air. Ce qui fut chose faite à Paris en 1889. En fait, il y eut deux congrès ouvriers dans la capitale française. L’on om se retrouvent les marxistes. L’ autre constituée par les éléments anti-marxistes, appelés les « possibilistes ». Les socialistes belges ne purent se décider quant à savoir à quel congrès il fallait aller. Si bien que le congrès de Jolimont du POB, tenu les 21 et 22 avril 1889, décida, en désespoir de cause, que la délégation belge se partagerait entre les deux assemblées. Notons qu’ une majorité (39 voix contre 33 et 18 abstentions) s’ était dégagée lors d’ un vote pour aller au seul congrès des « possibilistes ». De toute façon, les socialistes belges n’ eurent pas un comportement des plus perspicaces. César De Paepe et Jean Volders, qui assistaient au congrès « marxiste », s’ abstinrent dans le vote des résolutions (celles qui portaient sur les points de l’ ordre du jour, c’ est – à – dire la manifestation du 1er mai, mais aussi, et entre autres, « l’ abolition des armées permanentes et l’ armement général du peuple ». Non pas, dit Volders qu’ ils fussent en désaccord sur le fond, mais parce qu’ ils ne voulaient pas les reprendre à leur compte « comme dogmes et sans discussion ».

On ne s’ étonnera donc pas que les vues qu’ ils exprimèrent ensuite sur les congrès de Paris aient été pessimistes. Les socialistes belges, sur le moment, ne comprirent ni la portée politique du congrès auquel ils avaient participé, ni l’ importance capitale de la résolution relative au 1er mai. Celle-ci ne fut d’ ailleurs même pas reproduite dans les comptes-rendus du « Peuple », qui agissait ainsi exactement comme la presse bourgeoise. Et, le 11 août, Jean Volders cru bon de publier dans le « Peuple » un article affirmant que l’ enthousiasme des ouvriers n’ était pas de mise et qu’ il ne fallait pas encourager leurs « illusions ».

Si les dirigeants socialistes belges ne comprirent pas le sens de l’ événement, Frédéric Engels, dans une lettre à Paul Lafargue (texte en exergue), devait le définir en ces termes: « La résolution du 1er mai a été la meilleure qu’ ait formulée notre congrès. Elle prouve notre puissance dans le monde entier. Elle ressuscite bien mieux l’ Internationale que toutes les tentatives de reconstitution et montre une fois de plus lequel des deux congrès était représentatif ».

Effectivement, le congrès de Paris, d’ où sortit la IIe Internationale, ne fut pas un événement fortuit. Donner une forme élaborée à leur élan internationaliste, était au centre des préoccupations des organisations ouvrières dans les pays industrialisés. Et cela d’ autant plus que se faisait de plus en plus sentir la nécessité de trouver une réponse commune aux problèmes identiques que le développement cahotique du capitalisme posait aux travailleurs des divers pays. En témoignent les sources diverses des propositions.

Ainsi, celle de manifester le même jour pour les huit heures vient des syndicats français. En 1888, alors que la Fédération américaine du travail prenait sa décision de manifester dans tout le pays le 1er mai, la Fédération nationale des syndicats de France avait organisé des manifestations pour la journée des Huit heures et envoyé des délégations à la Chambre des Députés. Action très remarquée et chargée dans les conditions du temps, d’ une haute significations politiques. La date du 1er mai fut avancée par les Américains.

Quant au dernier paragraphe de la résolution, il fut ajouté à la demande des chefs de la social-démocratie allemande qui avaient à tenir compte des lois anti-socialistes en vigueur dans leur pays.
1890, le premier 1er mai:

Même si elle se gausse de ses ouvriers qui veulent manifester le 1er mai 1890 dans le monde entier, la bourgeoisie est inquiète. Ainsi, les patrons allemands créent une ligue de défense prévoyant le renvoi des travailleurs absents des ateliers le 1er mai et l’ engagement de chaque patron de ne pas engager un ouvrier licencié par un collègue. Dans le cas où le nombre de grévistes dépasserait les deux tiers, il était prévu que le patron pratiquerait le lock-out, et fermerait son entreprise pendant trois semaines. A Paris, devenu un camp retranché, les banques transfèrent à la Banque de France transformée en citadelle les fonds de caisse. A Rome, les bourgeois les plus riches quittent précipitamment la ville. Ces faits démontrent à suffisance la peur des nantis face à la montée revendicative du monde du travail.

En Belgique, l’ extraordinaire animation que la lutte ouvrière a prise depuis 1886 ouvre largement les esprits à l’ idée du 1er mai et au mot d’ ordre qui y est lié: « Pour les huit heures; contre le chômage ». Aussi, malgré leurs réticences, les dirigeants du POB sont rapidement amenés à corriger leurs vues initiales. Le 6 avril 1890, le VIe congrès du parti décide que « tous les groupes ouvriers et fédérations régionales fêteraient le 1er mai en conservant liberté complète quant à l’ organisation de cette fête, soit en chômant, soit en manifestant, soit en tenant des meetings ».

La journée fut activement préparée. Et les résultats furent à la mesure des efforts consentis. D’ après le « Peuple », il y eut le 1er mai 1890 quelque 150.000 chômeurs dans les principales industries du Centre, du Borinage et de Liège. On dénombra environ 30.000 manifestants à Bruxelles, 9 à 10.000 à Gand. De grands cortèges sillonnèrent les rues de Charleroi, Liège, Anvers et de beaucoup d’ autres localités. Les mineurs, eux, avaient débrayé en bloc.

Le manifeste dédié par le Conseil général du POB était axé entièrement sur les revendications des huit heures. Il se terminait comme suit: « Vous vous trouverez aujourd’ hui en masse au rendez-vous que les laborieux de toutes les nations se sont donné, vous y reviendrez encore l’ an prochain et, désormais, le 1er mai sera la date qui, dans le calendrier de tous les peuples, indiquera la grande fête du travail ».

Dans une vingtaine de pays, les organisations ouvrières avaient appelé à la mobilisation, insistant sur le caractère digne et non violent qu’ elles voulaient donner à cette journée. Ainsi, l’ appel du jeune Parti ouvrier hongrois se terminait par ces mots: « Avec la journée des huit heures, l’ ouvrier cesse d’ être un simple instrument de travail pour commencer à devenir un homme. Une pareille raison vaut la lutte ».

Dans beaucoup d’ endroits, les « forces de l’ ordre » s’ abstinrent de toute intervention. Il n’ y a aucun désordre en Belgique, ni en Suisse, ni à Vienne, où le gouvernement se décide à la dernière minute à autoriser le rassemblement et où un cortège géant de 300.000 personnes traverse le Prater. Il y a des meetings à Lisbonne, à Bucarest, au Mexique, à New York, et même dans l’ île de Cuba encore colonie espagnole. À Londres, la manifestation du dimanche 4 mai rassemble 300.000 à 500.000 personnes, ce qui ne s’ était jamais vu.

Des heurts violents, il n’ y en eut finalement que dans peu d’ endroits. Il n’ y aura aucun mort pour ce 1er mai dans le monde. À Paris, quadrillé par plus de 30.000 hommes de troupe, les officiers font charger tout l’ après-midi les 100.000 manifestants. Multipliant les arrestations de manifestants ou de promeneurs, la police, avec son flair habituel, embarque sans ménagement et conduit au poste un paisible vieillard qui se révèle être le maréchal de Mac-Mahon…

Le Congrès de Paris n’ avait pas décrété le renouvellement annuel de semblable manifestation. Mais, devant le succès remporté, les congrès nationaux des différents pays prirent eux-mêmes cette décision qui fut officiellement entérinée au congrès international de Bruxelles en 1891.

« Rouge du sang des ouvriers… »:
Le 1er mai 1891 est moins pacifique que celui de 1890. A Rome, il donne lieu à de véritables émeutes populaires, suivies d’ arrestations en masse. À Madrid, et dans d’ autres villes espagnoles, les policiers répriment les manifestations ouvrières avec une rare violence. À Liège, les anarchistes dérobent des centaines de cartouches de dynamite le jour de la Fête du travail. Arrêtés, ils sont sévèrement condamnés. En France, enfin, c’ est la tragédie de Fourmies.

La fleur du 1er mai, c’ est l’ églantine rouge, « rouge du sang des ouvriers », ainsi que le chante Paul Brousse depuis 1877, dans sa chanson « Le drapeau rouge ». Le 1er mai 1891, à Fourmies, en France, c’ est seulement une branche d’ aubépine que tient Maria Blondeau, une jeune fille de 18 ans. Son fiancé lui a offert le matin même, comme c’ est la coutume, ce porte bonheur qui va se révéler si dérisoire.

Fourmies, centre textile compte 15.000 habitants. Depuis plusieurs jours, les les ouvriers des filatures sont en grève. Ils veulent défiler jusqu’ à la mairie et ils sont d’ humeur si belliqueuses qu’ils prévoient ensuite un programme théâtral et, le soir, un bal de nuit… sans patrons. Mais , ceux-ci ont pris « l’ engagement d’ honneur de se défendre collectivement , solidairement et pécuniairement dans la guerre inqualifiable qu’ on veut leur déclarer (*) ». En clair, cela signifie qu’ ils ont prié les autorités d’ envoyer police et troupe sur les lieux. Ce que le gouvernement -comme tant d’ autres- fait avec empressement.

Dès le matin, les gendarmes chargent la foule qui défile en chantant. Des manifestants sont arrêtés, des enfants blessés. L’ après-midi, les travailleurs parcourent à nouveau les rues, réclament la libération des détenus. A 18 heures, deux groupes viennent devant la mairie que garde la deuxième compagnie du 145e de Ligne. Sans sommation, sans avertissement, le commandant Chapus ordonne le feu. Il y eut neuf tués et plus de trente blessés graves. Avant de servir plus tard contre les Allemands, les nouveaux fusils Lebel viennent de démontrer leur meurtrière efficacité. Parmi les morts, Emile Cornaille, onze ans, une toupie de bois dans sa poche; Gustave Pestiaux, treize ans; Félicie Pennetier, dix-sept ans; Ernestine Dial, dix-neuf ans. Quant à Maria Blondiau, dix-huit ans, elle brandissait contre les soldats une arme redoutable: la branche de mai fleurie offerte par son fiancé. Parmi les blessés sérieux, il y en a douze de moins de trente ans.

« L’ Internationale »:
Avec le XXe siècle naissant, une nouvelle chanson vole de lèvres en lèvres: « L’ Internationale ». Son auteur est le Français Eugène Pottier. Né en 1816, il prend place très tôt dans le mouvement ouvrier. Il sera l’ un des douze membres du Conseil général de l’ Association internationale des travailleurs, lorsque celui-ci déménage à New York en 1872.

Il rédige des dizaines, pour ne pas dire des centaines de poèmes dont beaucoup seront mis en musique. Vient la Commune, protestation de Paris contre les lâchetés et les trahisons et qui voit, pour la première fois, l’ entrée en masse de prolétaires dans une assemblée élue. Pottier se présente dans le 1e arrondissement de la capitale française. Il est élu. Mais l’ armée versallaise, aux ordres des nantis, écrase les bataillons fédérés. Devenu gibier de bagne, Pottier se cache dans une mansarde de Montmartre. Ainsi que l’ écrit Maurice Choury, Pottier ne peut admettre que tout soit consommé. Dans la rue retentissent les salves meurtrières des assassins triomphants. Loin de se laisser aller à un désespoir de vaincu, Pottier, persuadé qu’ on ne peut enterrer l’ avenir, lance l’ appel qui va bouleverser le siècle:

« Debout les damnés de la terre !

Du passé faisons table rase.

Nous ne sommes rien, soyons tout ! »

« L’ Internationale » dit tout: l’ inégalité sociale, l’ exploitation capitaliste, la nécessité d’ un parti prolétarien, l’ internationalisme, la haine de la guerre impérialiste et même les conditions de l’ émancipation: « Il n’ est pas de sauveurs suprêmes, Ni Dieu, Ni César, ni tribun..

Producteurs, sauvons-nous nous mêmes… ».

Eugène Pottier meurt en 1887. Pour aider sa famille, les militants ouvriers français éditent une modeste plaquette reprenant quelques-uns de ses plus beaux poèmes. L’ année suivante, par hasard, l’ ouvrier métallurgiste lillois Pierre Degeyter a sous les yeux le petit recueil. Et il s’ enflamme en lisant « L’ Internationale » que personne, jusque là, n’ a mis en musique. Séduit par la puissance des paroles, Pierre Degeyter, qui est mélomane compose une musique adaptée au poème. Le 23 juin 1888, « L’ Internationale » est chantée pour la première fois à Lille, au cours d’ une fête populaire organisée par le Parti ouvrier. Exécutée le 23 juillet 1896 par les fanfares socialistes du XIVe congrès du Parti ouvrier français, « L’ Internationale » devient, en 1890, à partir du congrès de Paris de la IIe Internationale, l’ hymne des révolutionnaires du monde entier.

Trente ans de lutte pour arracher les Huit heures.
Mais le bruit des armes commencent à se faire entendre dans toute l’ Europe. Le capitalisme en crise cherche à résoudre ses problèmes en répandant le sang des travailleurs. Comme s’ étonner dans ces conditions qu’ en 1904, le congrès d’ Amsterdam de la IIe Internationale ajoute aux revendications du 1er mai, celle de la défense de la Paix ?

Vient 1914. Mais même la guerre n’ arrête pas complètement une action tenace que jalonnent comme autant de témoins les « premiers mai ». Des manifestations, il y en eut chez nous. Et en France, en 1917, 10.000 midinettes parisiennes descendent dans la rue criant « Nos 20 sous ! A bas la guerre ! ». Au même moment, à l’ autre bout de l’ Europe, un ordre social s’ écroule sous le coup des masses laborieuses des usines et des campagnes unies dans la lutte.

La victoire, c’ est pour les peuples la fin de la boucherie. Plus rien ne peut être comme avant. Ainsi, en 1919, les cortèges des travailleurs sont permis le 1er mai. Permis certes, mais le travailleur continue à perdre son salaire du jour. S’ il est fonctionnaire de l’ État, il encourt le renvoi pour avoir participé à une manifestation politique.

L’ année suivante, en 1920, le monde du travail arrache enfin les Trois Huit: huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de sommeil. Il aura donc fallu trente ans pour voir se concrétiser l’ objectif du 1er mai. Cela après bien des grèves, après bien des victimes, après aussi la Révolution d’ octobre en Russie.

Mystifications:
Des 1er mai de lutte, il y en eu encore bien d’ autres. Il y en eut aussi de bien étranges. Ainsi, l’ Italie fasciste transforme le 1er mai en Fête nationale et du travail. Jouant sur la mystification et désireuse de s’ attacher la classe ouvrière, Mussolini et ses fascistes n’ hésitent pas à prétendre qu’ une telle fête remonte à la fondation de Rome. L’ Allemagne nazie ne pouvait ignorer une telle fête. Et Hitler organise des manifestations grandioses le 1er mai, dès son arrivée au pouvoir en 1933. Pour mieux tromper les masses, les Nazis n’ hésitent pas à reprendre la mélodie de nombreuses chansons révolutionnaires en y adaptant de nouvelles paroles tout à l’ honneur de l’ « Ordre nouveau ». Mais l’idée de s’ approprier « L’ Internationale » fit reculer les dictateurs de l’ Allemagne.

La guerre à nouveau. Mais pas plus que la précédente, elle n’ arrête le monde du travail qui, malgré l’ occupant, entend célébrer sa fête. Et de l’ Acropole d’ Athènes aux châssis à Molette du Borinage (Belgique) flottent les bannières rouges frappées de la faucille et du marteau, les communistes fournissant à la résistance le gros de ses effectifs combattants. Le PCB s’ est ainsi vu décerner le nom -héroïque- de « parti des fusillés ».

La libération à nouveau. Aussitôt, les travailleurs se retrouvent nombreux derrière leurs bannières à l’ occasion du 1er mai.
En 1946, une loi signée par le socialiste Léon-Elie Troclet rend, en Belgique, légal et obligatoire le congé du 1er mai. La fête du travail perd-elle pour autant sa signification de combat ? Certes non. Aujourd’hui, comme en 1890 les travailleurs ont à lutter pour la défense de leur emploi, pour la sauvegarde des droits acquis, pour arracher les 36 heures…

Mais contrairement à 1890, ce n ‘ est plus malheureusement, sous le même drapeau que défilent les travailleurs dans les principales villes du monde pour le progrès social, la Paix et la liberté des peuples.

A propos Romain de Courcelles

militant communiste courcellois a/conseiller communal PCB et UCPW
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